Se lancer dans l’acquisition ou la rénovation d’une propriété au Québec implique de comprendre certains concepts juridiques fondamentaux, dont celui de l’hypothèque. Au-delà de l’hypothèque conventionnelle, celle que l’on contracte généralement auprès d’une banque pour un prêt immobilier, il existe une forme particulière de garantie : l’hypothèque légale. Moins connue du grand public, elle est pourtant essentielle à comprendre, car elle peut avoir des conséquences significatives tant pour le propriétaire actuel que pour un potentiel acheteur. Découvrez des informations sur l’hypothèque légale au Québec : qui peut en bénéficier et quels sont ses différents types.
Qu’est-ce qu’une hypothèque légale ?
L’hypothèque est un concept défini par l’article 2660 du Code civil du Québec comme un droit sur un immeuble ou un meuble, affecté en garantie d’une obligation (comme une dette ou le coût de travaux). L’article 2664 du Code civil du Québec précise que l’hypothèque doit respecter des critères légaux précis et peut être soit conventionnelle, soit légale.
Alors que l’hypothèque conventionnelle est créée par un contrat entre deux parties (par exemple, entre un acheteur et une banque pour un prêt immobilier, nécessitant l’accord des deux parties et souvent l’intervention d’un notaire), l’hypothèque légale, elle, est directement créée par la loi. Elle agit comme une mesure de protection pour certains créanciers spécifiques afin de garantir le paiement des sommes qui leur sont dues. En cas de défaut de paiement par le débiteur, le créancier titulaire de l’hypothèque légale peut prendre l’immeuble ou le meuble affecté pour sécuriser son paiement, notamment en le faisant vendre pour récupérer son dû.
Dans les systèmes de common law, l’hypothèque légale est parfois appelée « privilège » en raison de son caractère exclusif. Effectivement, elle bénéficie d’un droit de premier rang par rapport à d’autres formes de sûretés, ce qui signifie que les créanciers détenant une hypothèque légale seront remboursés en priorité. Une telle situation peut créer des tensions, notamment avec les établissements bancaires qui détiennent souvent des hypothèques conventionnelles.
Les différents types d’hypothèques légales
L’article 2724 du Code civil du Québec prévoit que seulement quatre types de créances peuvent donner lieu à une hypothèque légale. Ces quatre types peuvent être légalement inscrits sur une propriété au Québec.
L’hypothèque légale de construction et de rénovation :
- C’est l’une des formes les plus connues d’hypothèque légale au Québec.
- Elle s’applique dans le secteur de la construction et de la rénovation.
- Elle est acquise en faveur des architectes, des ingénieurs, des fournisseurs de matériaux, des ouvriers, des entrepreneurs et des sous-entrepreneurs.
- Ces bénéficiaires doivent avoir contribué aux travaux demandés par le propriétaire de l’immeuble, ou avoir fourni ou préparé des matériaux ou services pour ces travaux.
- Elle couvre les coûts associés aux travaux de construction, de rénovation et d’agrandissement, ainsi que les matériaux et services fournis.
- Sa valeur n’est pas prédéfinie par la loi mais varie en fonction des travaux effectués. Elle couvre principalement la plus-value apportée à l’immeuble, incluant souvent les coûts de projet (assurance, prolongation, intérêts) et le solde avec la retenue contractuelle. Déterminer sa valeur nécessite souvent un professionnel.
- Une particularité notable est qu’elle peut exister sans être immédiatement publiée au Registre foncier. Cependant, pour conserver leur droit, les bénéficiaires doivent inscrire un avis désignant l’immeuble grevé et indiquant le montant de la créance au Registre foncier et le signifier au propriétaire. Cette démarche doit être faite dans les 30 jours suivant la fin des travaux.
- L’hypothèque légale de construction s’éteint automatiquement six mois suivant la fin des travaux si le créancier n’a pas intenté une action contre le propriétaire ou n’a pas inscrit un préavis d’exercice d’un droit hypothécaire.
- Elle a une priorité sur toutes les autres hypothèques conventionnelles, même celles publiées avant elle.
L’hypothèque légale de l’État :
- Son objectif est de protéger les créances de l’autorité administrative centrale.
- Elle s’applique aux sommes dues par les contribuables en vertu des lois fiscales du Québec.
- Les bénéficiaires sont des personnes morales de droit public, comme l’administration fiscale ou une institution spécifique.
- Elle peut affecter les immeubles et les biens meubles.
- Elle est acquise par l’inscription au registre mobilier ou foncier. Un avis doit également être émis au débiteur.
- Elle prend effet à la date de son inscription.
L’hypothèque légale du syndicat de copropriétaires :
- Au Québec, le syndicat de copropriété est autorisé à publier une hypothèque légale.
- Elle porte sur la fraction d’un copropriétaire qui est en défaut de paiement de sa quote-part des charges communes ou de sa contribution au fonds de prévoyance depuis plus de 30 jours.
- Cette mesure vise à garantir le paiement des charges communes et à protéger les intérêts du syndicat.
- Elle doit être obligatoirement inscrite au Registre foncier pour être valide.
- L’inscription doit contenir un avis indiquant :
- La nature de la réclamation.
- Le montant dû au moment de l’inscription.
- Le montant prévu pour les charges et créances de l’année financière en cours et celles des deux années suivantes.
L’hypothèque légale résultant d’un jugement :
- Dans le cadre d’un procès, si la Cour condamne une partie à payer une somme à une autre, elle peut émettre une hypothèque sur l’immeuble ou les biens mobiliers du débiteur pour garantir ce paiement.
- Le bénéficiaire est la personne en faveur de laquelle le jugement a été rendu.
Les conséquences et défis de l’hypothèque légale
L’inscription d’une hypothèque légale sur une propriété n’est généralement pas une bonne nouvelle pour le propriétaire.
- Elle peut fortement compliquer la vente de l’immeuble, voire la rendre impossible. Les notaires effectuent des recherches de titres et doivent informer les acheteurs potentiels, qui souvent se rétractent pour éviter des complications.
- L’hypothèque légale est opposable aux tiers ; toute personne intéressée par l’immeuble, comme un futur acheteur, sera informée de son existence et devra en tenir compte. Le principe du droit de suite implique que l’hypothèque légale demeure en place même après la cession du bâtiment au nouveau propriétaire. Si l’acquéreur rachète un immeuble soumis à une hypothèque légale, il devra rembourser la dette de l’ancien propriétaire, faute de quoi le créancier peut décider de faire vendre le bien.
- La contestation d’une hypothèque légale par le débiteur peut engendrer des litiges importants. Un créancier qui inscrit une hypothèque sans respecter les conditions légales pourrait se retrouver dans une telle situation.
Avantages pour le créancier
Même si elle peut compliquer la situation du propriétaire endetté, l’hypothèque légale présente plusieurs atouts pour les créanciers qui en bénéficient :
- des recours efficaces : Grâce à l’hypothèque légale, un créancier peut faire saisir et vendre le bien immobilier concerné afin de recouvrer ce qui lui est dû.
- une priorité sur les paiements : En cas de liquidation du bien, ces créanciers sont payés avant les autres, ce qui augmente considérablement leurs chances de remboursement.
- une protection juridique : En étant inscrite au registre foncier, l’hypothèque devient opposable à tous, y compris aux acheteurs potentiels, ce qui renforce sa portée.
- une garantie de confiance : Pour les créanciers, surtout dans le domaine de la construction, elle représente une assurance que leur argent est en sécurité, incitant ainsi à collaborer sur des projets immobiliers.
Vérification et Libération d’une hypothèque légale
Que vous soyez propriétaire ou acheteur potentiel, il est crucial de vérifier la présence d’hypothèques légales sur une propriété.
- Vérification : Pour savoir si une hypothèque légale est inscrite sur une maison au Québec, vous pouvez consulter le Registre foncier du Québec. Cette démarche nécessite le numéro de lot de l’immeuble et un compte client (des frais s’appliquent par consultation). Si vous achetez, le notaire que vous sollicitez effectuera cette vérification pour vous et vous informera.
- Libération : Si vous constatez qu’une hypothèque légale grève votre immeuble, la première étape pour s’en libérer est généralement de remédier à la situation qui en est la cause. S’il s’agit d’une dette, le remboursement intégral au créancier est la solution directe. Si la capacité financière manque, il est possible de négocier un délai, une entente de paiement partiel ou d’offrir un autre bien en garantie.
- Il est important de noter qu’une hypothèque légale demeure en vigueur jusqu’à ce qu’elle soit radiée. La radiation est l’acte qui la fait cesser d’avoir un effet juridique.
- Si vous estimez que l’hypothèque est le résultat d’une application abusive de la loi (notamment dans la construction/rénovation), vous pouvez envisager une action en contestation en justice. Cependant, ce processus est décrit comme complexe et coûteux, et n’est généralement pas recommandé par les professionnels.
Conseils et précautions
Il est essentiel de prendre des précautions pour éviter ou gérer les conséquences d’une hypothèque légale.
- Pour les débiteurs : Le meilleur moyen de s’en prémunir est d’honorer ses engagements dans les délais. Si vous avez des difficultés de paiement, ne laissez pas la situation s’aggraver. Demander conseil à des professionnels comme Xperto est recommandé pour trouver une solution adaptée. Souscrire une assurance titre peut offrir une protection en cas d’invalidité ou de faillite, mais elle ne couvre pas le défaut de paiement intentionnel.
- Pour les acheteurs : Pour éviter de reprendre la dette d’un ancien propriétaire, renseignez-vous systématiquement en amont. Demandez au notaire toutes les informations sur les hypothèques légales ou conventionnelles inscrites sur la propriété. Se faire accompagner par un professionnel comme Xperto peut être un atout majeur lors de l’acquisition d’un immeuble.
Conclusion
L’hypothèque légale au Québec est un mécanisme juridique puissant, créé par la loi pour protéger les créances de certains acteurs clés, principalement dans les domaines de la construction, de la fiscalité, de la copropriété et des jugements. Bien qu’elle procure des avantages considérables aux créanciers en leur offrant une garantie, des recours privilégiés et une sécurité financière, elle représente un défi majeur pour le propriétaire débiteur, pouvant compliquer la vente et grever le bien même après transfert. Il est donc primordial de comprendre les différents types d’hypothèques légales, la manière de les vérifier au Registre foncier, et les démarches nécessaires pour les éteindre, notamment par la radiation. Une bonne gestion de ses obligations financières et une diligence raisonnable lors de l’acquisition immobilière sont les meilleures protections contre les inconvénients liés à l’hypothèque légale.